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Au-Delà De Nos Désillusions: Chapitre 24. Maman, maman, maman

Writer: Mamzèl TessaMamzèl Tessa

"Le sourire est la meilleure façon de faire face à tous les problèmes, d'écraser toutes les peurs, de cacher chaque douleur." Will Smith ***

"T'inquiète, maman... Je vais bien, je t'assure... Ce sont des gens géniaux... Tu me manques aussi... Je finis dans deux semaines..."

Un raclement de gorge détourna mon attention de la conversation téléphonique de Crystal que je suivais avec beaucoup trop d'intérêt pour quelqu'un qui n'y était pas totalement concerné. Gardy, son sourire ironique, avait les yeux posés sur moi... pendant un certain temps que cela était devenu gênant.

_ Quoi ? C'est elle qui parlait pour que j'entende.

_ Mais toi tu écoutais. C'est différent.

_ Commence pas, pitié, lançai-je agacée par ses rectifications.

Il prit place à côté de moi sur la table de la salle à manger et m'ôta des mains l'objet que je tenais. C'était notre vieil album de famille. Il en feuilleta quelques pages, un sourire croissant à chaque changement de photo. Il ne manquait pas de lancer des commentaires pinçant çà et là. "Dieu, ce que t'étais moche à l'époque ! Et dire que je te trouvais belle ! " "Ça, aussi ridicule que c'est, c'était forcément pour te punir." "C'est quoi ce déguisement affreux que tu portais ? Je parie qu'avec tu te croyais la plus élégante." J'osai jeter un coup d'oeil sur la dernière photographie qu'il commentait et éclatai de rire. J'avais les cheveux coiffés en ces étranges nattes que je détestais tant et de mes épaules deux énormes volants émergeaient, prolongés par les bras maigrelets de la gamine de six ou sept ans que j'étais. Je n'en revenais pas que j'aie gardé une horreur pareille. Nous éclatâmes de rire.


_ Il y a quoi de si drôle ? Demanda notre fils qui venait se chercher de quoi combler son vide gastrique.

Il s'approcha de nous, lança une œillade dégoûtée et comme si ce n'était pas assez explicite clôtura la sentence d'un "T'étais très moche, maman. Vraaaaiment très moche."

_ Il n'y a pas que moi à avoir battu certains records, lançai-je pour ma défense.

Je changeai de section et allai dans les clichés de l'enfance de mon mari en quête d'une ou deux photographies dont le ridicule avoisinerait les miennes. Perdue dans mes recherches je ne prêtai pas grande attention à Gardy qui s'était levé de la table.

_ Chérie ?

_ Attends-moi. Je finirai par trouver.

_ Nous avons de la visite.

Tiens ! Qui cela peut-il bien être ?

Je levai la tête et vis à mon grand étonnement ma mère. Sans cacher ma surprise je me renseignai sur la date de son retour au pays.

Elle était rentrée la veille et était passée voir comment j'allais, m'avait-elle dit. Je la remerciai de son attention. C'était un peu tendu entre nous depuis qu'elle fut mise au courant par Gardy que je refusais de me faire soigner pour mon carcinome. Mais elle m'appelait et nous nous parlions au quotidien.

_ Je pensais rester quelques jours ici si cela ne pose pas de problème, envisagea-t-elle.

_ Tu es ici chez toi, Marie, approuva mon époux sans se soucier de ce que j'aurais pu penser.

_ Je t'ai ramené quelques médicaments, Theresa.

_ Maman, s'il te plaît, on en a discuté mille fois, suppliai-je.

_ Non, non, ma chérie. Ce n'est pas ce que tu crois, dit-elle d'une voix tant rassurante qu'apaisante.

Elle ouvrit son sac à main et en sortit un paquet en plastique fermé qu'elle me tendit.

_ Ils t'aideront à tenir, me dit-elle simplement.

J'acceptai le colis que j'ouvris à l'instant. C'était des analgésiques puissants ; majoritairement des morphiniques et des dérivés de la codéïne. Par m'aider à tenir ma mère voulait dire soulager mes douleurs jusqu'à inefficacité de ces médicaments-là.

Après ce serait quoi ? Des injections de morphine si je ne finis pas par me faire euthanasier ?

Je la remerciai sincèrement et me rendis dans ma chambre.

Je déposai les drogues sur mon armoire et défis mon haut. Je fis face au miroir devant lequel je restai immobile. Des mois après mon diagnostic j'osais enfin défier du regard mon sein ravagé par la tumeur. Tous les signes cliniques étaient là. Je tatai timidement pour prendre conscience de la dureté qu'était devenu mon sein autrefois souple. Je m'attardai sur la cicatrice de mon intervention. Elle devait avoisiner les dix centimètres... Je retrouvai mes esprits quelques minutes plus tard, tremblante, telle une feuille soumise à la force d'un vent assez puissant pour l'arracher à sa tige. J'avais peur. Non pas de mourir. Mais peur que cette algie croît encore et encore rendant ainsi ma fin de vie plus difficile que je ne le voulais. Je m'emparai d'une boîte que j'ouvris. J'en pris deux comprimés et enfermai le médicament dans un tiroir. Ils m'aideront à tenir, pensai-je en les avalant.

_ Chérie, tu viens ?

_ Oui, trésor, répondis-je à mon époux qui voulait que je choisisse avec lui le site de notre balade en famille pour le début des vacances.

_ Ça va ? Me demanda-t-il précautionneusement.

J'avais fini par comprendre que les "ça va ?" lancés à mon adresse n'avaient plus le but de se renseigner sur mon bien-être physique mais uniquement sur mon état d'esprit.

Ça ne va pas. Vois-tu, je commence à flipper. Je vais bientôt mourir et je le sais. Mon corps me fait souffrir et je me sens affreuse. Comment cela pourrait-il aller ?

- Ça va comme sur des roulettes, mentis-je.

Je le vis sourire, rassuré de savoir que je m'en sortais pas mal jusque-là. C'est ce petit sourire qu'il daignait afficher à chaque fois que je lui disais que j'allais bien qui me poussait à lui mentir encore et encore. Mais peut-être que je ne mentais pas toujours. Peut-être qu'en sachant que ce joli croissant radieux se dessinerait sur ses lèvres mon cœur se voyait réchauffé l'espace d'un éclair. Peut-être...

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