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Au-Delà De Nos Désillusions: Chapitre 23. Le monde, c'est nous

Writer: Mamzèl TessaMamzèl Tessa

« Exige beaucoup de toi-même et attends peu des autres. Ainsi beaucoup d'ennuis te seront épargnés. » Confucius ***

Comme d'habitude, sur mon passage, les chuchotements croissaient et croissaient encore. Certains me lançaient ouvertement des regards hautains à croire qu'ils étaient des saints tout droit sortis de l'Ancien Testament. Même les responsables s'y mettaient. Je poursuivais ma route faisant mine de ne pas les apercevoir. Mon casque amplificateur ne m'empêchait hélas pas de voir remuer les lèvres, pointer quelques doigts et embraser les pupilles. On m'avait collé l'étiquette de Fertility plus. Tous savaient pour Crystal et moi à présent. Chez nous, les nouvelles, surtout les mauvaises, circulaient à la vitesse de l'éclair. J'enlevai mes écouteurs, décidé à apprécier la musique que produisaient les ronronnements de chacun de ceux-là qui n'osaient pas me dire en face ce qu'ils pensaient de moi.

_ Hey! FP! Comment ça va, vieux?

Christopher arrivait, et sa bonne humeur avec lui. Il entama son récit interminable sur le dernier épisode de Game of thrones pendant que moi je scrutais le vide n'osant lui dire combien son histoire m'était d'un tel désintérêt. Lorsqu'il eut terminé, il me tira à part dans un de ces espaces qu'il qualifiait de coins tranquilles.

_ Cela fait des jours que je ne comprends pas ta gueule, Daniel, m'avoua-t-il en lançant des coups d'œil suspects aux alentours. Ton pote t'a déniché un petit quelque chose rien que pour toi. C'est du bon, tu peux me croire, me promit-il.

Je m'étais juré de ne plus jamais retoucher à cette merde mais là, j'avais l'étrange sensation que le Bon Dieu en personne avait confié à mon ami le soin de me livrer cette herbe. Et je n'avais nullement envie de refuser son offre. Je passai une main alourdie par mon embarras dans ma tignasse.

_ Je ne sais pas trop...

_ Je sais ce que tu as. Je vois le ventre de Crystal rivaliser avec celui de Madame Gourrot. Et je sais ce que cela signifie. C'est ce qui te stresse, Dan. Je te dis que c'est exactement ce qu'il te faut, insistait-il en me foutant sa clope sous les narines.

Je ne m'étais jamais questionné sur leur provenance. Je me contentais d'en prendre - modérément toutefois - quand il nous en offrait. C'était notre homme à tout faire, Christopher. Même s'il s'y prenait mal, il tenait toujours à venir en aide à ses frères.

Je pris le morceau de papier enroulé qui pointait sous mes yeux et l'empochai.

_ Va pas te dégonfler, mec. Je l'ai payé cher celui-là. Je fais pas ça pour tout le monde.

_ C'est bon, Christopher. J'ai compris.

Il était agaçant par moment. Non. Il était souvent agaçant.

_ Faut pas culpabiliser, Dan, me dit-il en me passant un bras autour du cou. Tout le monde juge mais ils se fichent tous de ce que tu peux endurer. Il y a que toi qui connais ta réalité, alors il y a qu'à toi que revient le droit de décider de ce que tu veux faire pour te soulager, ajoutait-il en m'indexant le thorax par des mouvements répétitifs.

On aurait pu le prendre pour un grand sage s'il n'était pas en train de me convaincre que me défoncer apaiserait quelque peu mon âme.

_ Dis-moi, Dan. Tu as saisi l'occasion, pas vrai ? L'avantage, elle est chez toi. Intelligent comme t'es tu n'aurais pas laissé passer une telle opportunité, je me trompe ?

_ Lâche-moi un peu, Christopher, le priai-je, agacé.

_ Penses-y tant qu'il en est temps, FP, me recommanda-t-il avant de disparaître.

Je quittai le coin tranquille pour affronter les démons de mon établissement. Au passage j'ôtai de ma poche le présent que m'avait offert mon ami et le balançai à la première poubelle que je repérai. A ma sortie de mon terrier, ils étaient tous trop occupés pour me voir. « Crystal est dans la zone. » conclus-je. Je m'avançai et la cherchai des yeux. Je ne savais plus depuis quand datait la dernière échange entre elle et moi dans l'enceinte du lycée. Séparément, on attirait déjà suffisamment l'attention, alors je n'avais aucune envie de quadrupler cet intérêt que nous portaient tous. Je venais toutefois de réaliser que je ne la traitais pas mieux que les autres. Ils l'évitaient, je l'évitais. Ses amies étaient gênées par elle, moi l'étais encore plus. Je n'ai été autre chose qu'un vulgaire lâche qui n'osait lui parler que quand on se retrouvait seuls.

Je la trouvai près du bar en train de se payer un sandwich.

_ Sûrement son dixième de la journée, commenta une fille de la huitième année qui ne me voyait pas venir.

_ Cela te pose un problème peut-être? Balançai-je à l'adresse de la bécasse qui sombra instantanément dans le mutisme.

Je la vis ensuite. Accostée sur le comptoir, elle me sourit. Son minuscule afro couronnant son doux visage lui donnait un air angélique. Je lui rendis son sourire en m'avançant vers elle et je la vis rougir.

_ Comme ça le public ne t'effraie plus?

_ Je cesse d'être un con.

_ Je t'en ai voulu, tu sais?

_ Et tu as eu raison.

_ Viens vite ! Il y a un truc qu'il faut que tu vis tant que c'est là, me dit-elle avec un soudain empressement en me prenant la main. Allons quelque part où il y a peu de monde.

_ Pourquoi cela?

_ C'est un peu personnel , me dit-elle embarrassée.

_ Ici me convient tout à fait. Ne vois-tu pas? Il n'y a que toi et moi.

Encore hésitante, elle me prit la main qu'elle déposa ensuite sur son abdomen... et je le sentis. Je sentis le mouvement de cet être qu'elle portait en elle. Une sensation d'effroi me saisît une fraction de seconde, puis ce fut la culpabilité, celle d'avoir voulu prendre la vie à cet enfant qui aujourd'hui me faisait sourire comme un connard. J'éprouvais une joie que je ne pouvais ni expliquer ni réprimer. Hier je craignais d'être père aujourd'hui l'idée de l'être m'impatientait.

Crystal planta une belle rangée de dents dans son pain. Elle s'était transformée en une petite femme toute menue que je me plaisais à admirer subitement. Je retirai mon portable de mon veston, touchai quelques fois l'écran et lui tendis un écouteur. Une fois le gadget incrusté à l'embouchure de notre conduit auditif à chacun, j'appuyai sur le bouton « PLAY ».

« All of the girls, You're my one and only girl, Ain't nobody in the world tonight. All of the stars, They don't shine brighter than you are, Ain't nobody in the world but you and I. »

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