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Au-Delà De Nos Désillusions: Chapitre 19. Et les masques tombèrent

Writer: Mamzèl TessaMamzèl Tessa

« La sincérité est le visage de l'âme, comme la dissimulation en est le masque. » Joseph Sanial-Dubay _ Les pensées sur l'homme, le monde et les moeurs (1813) *** _ J'aurais préféré que tu crèves déjà ! Que tu crèves maintenant ! Tu es vraiment la pire des mères que quelqu'un puisse avoir la malchance d'avoir.


Louise avait en main le papier blanc ivoire orné de mots que j'avais soigneusement calligraphiés. Elle martyrisait la pauvre feuille me laissant deviner ce qu'elle n'hésiterait pas à me faire si elle le pouvait.


_ Ne dis pas cela, ma chérie. Tu ne le penses pas pour de bon, n'est-ce pas?


_ Oh que si! Le pire dans tout cela c'est que tu as voulu nous faire croire que cela a été fait pour notre bien! En quoi est-ce bien de cacher à ses enfants qu'on est malade par peur qu'ils nous convainquent de nous faire soigner?


Louise pleurait de rage. Moi... Eh bien! Moi, j'avais l'impression que le ciel m'était tombé sur la tête. Mon fils et ma fille se mettaient à deux pour me sermonner alors que mon époux demeurait sans rien dire ; toutefois je voyais dans son regard qu'il approuvait leurs moindres déclarations.


_ Je suis vraiment contente que j'aie découvert tout ceci avant ta mort ; comme ça tu pourras te souvenir du fond de ta tombe lorsque les vers se feront un festin de ce qui restera de toi à quel point je te déteste. Je te hais! Je te hais! Je te...


Ses paroles amères me transperçaient encore le cœur lorsque Gardy l'obligea à se taire d'une gifle phénoménale qui la fit tomber à la renverse. Prise de surprise, Louise demeura au sol tenant sa mâchoire d'une main. C'était la première fois que son père la frappait.


_ Quoi qu'elle ait fait, je t'interdis de parler de la sorte à ta mère.


Je l'aidai à se relever mais d'un brusque mouvement de bras elle m'écarta. Ramassant le courage qui lui restait encore, elle me refit savoir combien la haine qu'elle me vouait était immense en prenant la précaution de se tenir à l'écart de son père. Elle s'en fût ensuite, probablement dans sa chambre.


Daniel me regardait avec des yeux embrasés de fureur. Sa donzelle se trouvant à son côté tentait par de douces caresses déguisées en massage à le calmer.


C'était elle. Elle seule avait pu fouiller et trouver ce cartable. Il n'était pas dans la nature de mes enfants de jouer aux détectives dans le bureau de leur père. Je la dévisageai longuement jusqu'à ce qu'elle en pâlisse. J'aurais dû la laisser croupir à la rue après que son père l'ait éjectée de chez lui. Désespérée, je tentai une dernière fois de gagner la compassion de mon fils.


_ Dany...


_ Non, maman. Je n'ai aucune envie de t'entendre.


Je demeurai immobile le regardant, les yeux inondés de larmes, s'en aller au côté de cette vermine de Crystal. Je ne pouvais davantage retenir mes pleurs et fondis en sanglots. Je sentis mon époux m'envelopper de ses bras. En temps normal cela m'apaisait. Mais j'eus l'impression d'étouffer et l'obligeai à me lâcher. J'allai m'asseoir sur une banquette accolée à la table sur laquelle bricolait ma fille quelques heures plus tôt. Dans sa rage elle avait détruit la moitié du travail qu'elle avait réalisé. J'observai avec peine les morceaux de carton éparpillés au sol et me penchai pour les ramasser, essayant de trouver un quelconque réconfort en l'acte.


_ Ce n'est pas ce qui t'aidera, chérie, me dit Gardy en me libérant les mains.


_ Je voulais seulement qu'ils n'aient pas de peine.


_ Ce n'est pas facile d'accepter ce genre de choses, tu sais? Me disait-il le plus doucement qu'il le pouvait. Je m'y fais parce que je veux te voir sourire tant que tu le peux encore. Mais c'est loin d'être facile.


_ Ils me détestent, répétais-je en pleurant. Elle me l'a dit et lui, je l'ai vu dans son regard.


_ Ils ne te détestent pas. Ils sont juste en colère contre toi. Très en colère.


_ J'ai mal, Gardy. J'ai mal tous les jours à présent, avouai-je.


Je vis son regard s'obscurcir. J'y lisais de l'effroi, de la tristesse et même des regrets, mais surtout de l'effroi. Il s'accroupit et me prit les mains.


_ J'ai peur... Je ne veux pas mourir... J'aimerais vivre, Gardy... J'aimerais voir grandir nos enfants et vieillir à tes côtés... Je ne veux pas mourir.


Cette fois, je n'attendis pas qu'il m'offre ses bras et m'y réfugiai de moi-même.


J'avais voulu que Gardy retienne uniquement l'image de la femme forte qu'il croyait que j'étais mais j'en avais assez de faire semblant. De faire semblant d'être satisfaite du peu de temps qui m'avait été donné alors que j'aurais voulu en avoir plus. De me convaincre qu'il serait plus facile à ma famille de supporter mon départ parce qu'ils n'auraient pas à espérer vainement tandis que je subirais la torture de cette cure tant infernale qu'inutile. J'étais fatiguée d'entendre mon mari sangloter toutes les nuits alors qu'il me croyait endormie. J'avais marre de faire semblant que j'allais bien et que j'avais accepté mon sort alors qu'en fait je me consumais à petit feu sous le poids des remords.

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